Préparer cette anthologie a nécessité que je pose le rapport cardinal entre littérature et politique, et ce, d’un double point de vue : il y a d’abord la présence de la politique et du politique en général dans la littérature, et aussi la place de la littérature en politique telle qu’elle apparaît, dans la pratique des hommes politiques (la littérature forme les citoyens et donc les hommes politiques). Peu aisé, par exemple, d’oublier la remarque maladroite du ministre Sarkozy évoquant Madame de Lafayette, au cours d’une rencontre pourtant politique. Impossible de ne pas mentionner la polysémie des œuvres littéraires irriguées par le politique, la richesse de leurs interprétations, et leur faculté d’aiguiser les consciences. Impossible de ne pas citer le meilleur exemple de l’influence de la littérature et de l’art sur un homme politique : Hadrien, empereur romain fasciné par la Grèce, personnage rendu célèbre par Yourcenar. Impossible de ne pas relire Stendhal et le fameux « la politique dans une oeuvre littéraire, c’est un coup de pistolet au milieu d’un concert ». Impossible de ne pas mentionner ici l’engagement politico-religieux de poètes tel Agrippa d’Aubigné, au cours des 16ème et 17èmesiècles, parce qu’ils ont ouvert la voie aux philosophes du 18ème, (Montesquieu, Voltaire). Qui, eux, ne se gênaient pas pour faire passer leurs idées politiques très critiques sur le pouvoir monarchique en place. Comment ne pas mentionner les courants réaliste et naturaliste du 19ème qui vont nuancer la notion d’engagement, dans le roman, la poésie ou le théâtre, avec des degrés différents de Balzac à Zola en passant par Flaubert et Hugo ? On ne peut non plus passer sous silence la littérature qu’on dit « engagée », de Lorca, d’Aragon, de Camus, de Ionesco, de Soljenitsyne totalement investie des épilogues brutaux des deux guerres. J’ai tenté de dresser des passerelles entre les œuvres politiques et littéraires et vice-versa ; ainsi en est il de Malraux vers de Gaulle et de Péguy vers Jaurès. Certes, la politique n’est pas toujours présente en littérature mais la littérature et l’art relèvent toujours du politique. Mes derniers mots seront pour Shakespeare : Julius Caesar fournit un bel exemple de l’irrigation du politique dans la représentation théâtrale, et pour Tristan Tzara dont les Manifeste Dada sont un refus du réel traumatique – celui de la guerre de 14-18 – et bel et bien la preuve d’une volonté de se rabattre sur l’imaginaire.



















